Dans cette nouvelle publication, Thierry Grandmont, un étudiant au doctorat à l’Université Laval, discute de son article récemment accepté “Should I breed or should I go? Manipulating individual state during migration influences breeding decisions in a long-lived bird species”. Il discute du lien entre la reproduction et la migration, des défis (et opportunités!) d’effectuer de la recherche pendant la pandémie et de comment l’observation d’oiseaux a été une expérience formatrice.
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À propos de l’article
Notre article revisite une expérience effectuée il y a plus d’une décennie visant à démontrer de manière expérimentale qu’une perturbation pendant la migration peut avoir des effets reportés sur la reproduction. Pour ce faire, une équipe de biologistes, incluant quelqu’un qui deviendrait un jour mon superviseur, a capturé des grandes oies des neiges, une espèce longévive, lors de leur migration printanière. Ils ont gardé un sous-groupe des femelles en captivité pour simuler une perturbation environnementale. Alors qu’un premier article sur l’expérience a été produit, montrant que la captivité a réduit le succès reproducteur à l’automne subséquent, une partie importante des données (et des conclusions pouvant être faites de l’expérience) ont glissé entre les craques et n’avaient pas été analysées.



Tout ceci a changé lorsque la pandémie est arrivée. Avec le terrain pour mon projet de maîtrise annulé, c’était l’opportunité parfaite pour nous de souffler la poussière sur ces données et chercher des réponses à propos des mécanismes sous-jacents à cette réduction du succès reproducteur. Nous avons combiné des données de télémétrie et de suivi à la colonie principale pour contraster deux mécanismes possibles : une réduction de la propension à se reproduire (la probabilité d’initier la reproduction) ou une réduction de l’investissement dans la reproduction actuelle (en retardant la date d’arrivée, de ponte ou encore en réduisant la taille de ponte ou le succès d’éclosion). Nous avons montré que le temps passé en captivité réduisait la probabilité de détection au site de reproduction, notre proxie de la propension à se reproduire, sans pour autant affecter aucun autre des paramètres de reproduction. À notre connaissance, ceci fait de notre étude la première, à démontrer de manière expérimentale le rôle des effets reportés sur la propension à se reproduire.
Si cet article révèle le mécanisme menant à une réduction du succès reproducteur suivant une perturbation en migration, le modèle de notre étude ne nous permettait pas de déterminer le processus par lequel la décision de sauter l’événement reproducteur est prise. Il reste donc toujours à investiguer si cette décision est le résultat d’une réponse au stress aigu, inhibant les hormones reproductrices, ou si c’est plutôt un délai phénologique qui a mené les oies à abréger leurs efforts reproducteurs.
À propos de la recherche
L’étude des effets reportés nous permet de comprendre comment les animaux répondent à leur environnement à travers leur cycle de vie. Notre étude figure parmi les rares à montrer qu’un événement en migration peut non seulement réduire le succès reproducteur d’un individu, mais possiblement altérer sa décision de nicher ou pas. Sauter l’événement reproducteur est une stratégie bien connue des espèces longévives rencontrant des conditions défavorables, leur permettant de sauver de l’énergie pour l’année suivante. Par contre, très peu est connu à propos de ce paramètre de reproduction. Ceci est en partie parce que les individus non-nicheurs sont souvent loin des sites de reproduction, rendant l’estimation de la propension à se reproduire difficile. Notre étude démontre comment une perturbation loin des territoires de nidification peut mener à cette décision. Dans le contexte global actuel, avec les événements extrêmes amenés à devenir plus fréquents, notre expérience donne un aperçu de la réponse des espèces migratrices de longue distance à de tels événements et surligne l’importance d’approfondir nos connaissances sur la propension à se reproduire. Comprendre le rôle des effets reportés sur la propension à se reproduire est d’autant plus crucial considérant l’importance de ce paramètre sur le recrutement et la démographie des populations.



Un aspect intéressant de nos résultats est le fait que la propension à se reproduire semblait plus élevé lors des années de conditions environnementales favorables en Arctique. Même si le nombre limité d’années de notre étude nous empêche de tirer des conclusions sur ceci, il semble que les individus puissent surmonter les effets de l’expérience lorsque les conditions sont favorables. Ceci indique que, même si la perturbation expérimentale affecte la décision de se reproduire, cette décision est prise plus tard au courant de la migration. La technologie de télémétrie de notre étude ne nous permettait pas de discerner à quel moment ou, surtout, sous quelles circonstances cette décision est prise. Avec un peu de chance, de futures études utilisant la technologie GPS seront capable d’accomplir cette tâche… advenant que les dispositifs GPS ne réduisent pas eux-mêmes la propension à se reproduire!
À propos de l’auteur

Tout comme plusieurs écologistes, j’imagine, j’ai toujours aimé être dans les grands espaces et observer la nature. Par contre, l’événement qui a vraiment confirmé mon désir d’étudier l’écologie est lorsque mon frère et moi avons commencé à observer les oiseaux il y a maintenant dix ans de cela, alors que nous étions encore à l’école secondaire. Depuis, nous avons suivi un chemin similaire, étudiant l’écologie des oiseaux et observant ceux-ci dès que faire ce peut. C’est cet amour pour les oiseaux qui me pousse à vouloir en apprendre plus sur eux et à tenter de les protéger. C’est aussi pour cette raison que j’ai décidé de commencer un doctorat cet hiver, dans le but d’investiguer l’effet des activités récréatives sur le comportement et la reproduction de deux espèces aviaires, la Chouette rayée et la Grive des bois, dans les parcs nationaux du Québec. Poursuivre ce projet me permettra de faire ce que j’aime le plus du travail d’écologiste : être dehors et observer les oiseaux, tout en partageant mon amour pour eux avec les gens que je rencontre.
Si j’ai appris une chose de mon projet de maîtrise, c’est que travailler dans ce domaine requiert une grande variété d’habiletés et une personne ne peut pas s’attendre à exceller dans chacune d’entre elles. Nous avons toutes et tous nos forces et nos faiblesses et être conscient de celles-ci, demander de l’aide lorsque nécessaire et travailler avec des gens ayant des forces différentes aux siennes peut seulement faire de nous de meilleurs écologistes.


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